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La ville revisitée par les sportifs… ?

Christian Dorvillé and Claude Sobry

« Territoire en mouvement » Revue de géographie Université de Lille 3 2006

 

Sport et ville étaient, jusqu’à une époque récente, deux mots quasiment antinomiques. Le sport avait ses lieux d’expression précis et bien localisés : les stades les gymnases, les vélodromes et autres arènes. Les courses cyclistes constituaient l’exception remarquable : à certaines occasions précises, la ville devenait le cadre du passage de pelotons qui en désorganisait momentanément l’ordonnancement. Aujourd’hui, le sport devient spectacle urbain avec des lieux d’expression populaire à l’occasion d’événements sportifs : élection de la ville organisatrice des Jeux Olympiques, retour victorieux d’un champion ou d’une équipe, sont autant d’occasions d’investir la ville qui devient tour à tour stade et tribune. Le sport dans la ville dépasse largement la seule population concernée par des pratiques compétitives et, de ce fait, la conception même de la relation entre le sport et la ville, voire même les mobiliers urbains, doivent être revus pour être adaptés aux nouvelles attentes sociales.

Cette nouvelle configuration des loisirs déborde largement le seul phénomène sportif avec le retour d’autres pratiques culturelles dans l’espace public : musique, danse de rue, expressions graphiques etc. qui démontrent que l’espace urbain peut être un lieu d’échanges et d’interactions sociales majeures avec ce passage de l’utilitaire au récréatif. Il s’en suit aussi la volonté du « paraître sportif ». Être vêtu en tenue de sport sans raison apparente, parfois même à contre-emploi, fait fonctionner le marché des articles de sport sans que, le plus souvent, le porteur cherche à montrer quoi que ce soit de particulier.

Le sport est aussi prétexte à des déplacements vers un lieu précis, une ville organisatrice d’un événement qui dépasse le cadre de la collectivité, et qui provoque des phénomènes touristiques, le tourisme sportif urbain, qui apparaît au cours des années 1980, en Europe et aux États-Unis Certaines manifestations qui ne se déroulent que dans les grandes cités (Coupe du Monde de football, Jeux Olympiques, tournois de tennis, etc.) ont pris de l’ampleur sous l’impulsion des médias, entraînant la création d’équipements sportifs gigantesques ainsi que le développement ou la re-création d’aménagements urbains (routes, aéroports, transports en commun, etc.) et drainant des flux de sportifs, de spectateurs et de journalistes toujours plus importants. Parallèlement, des manifestations de masse tels les marathons, les randonnées en rollers, en vélo, etc. se sont développées attirant des flots de participants impressionnants, venant parfois de l’étranger ou de distances considérables et nécessitant hébergement et restauration. Les retombées indirectes, en termes de notoriété et de relations internationales constituent probablement les effets à la fois les moins mesurables et les plus assurés.

Se pose enfin la question de la durabilité de l’impact des grandes manifestations sportives. En effet il ne faut pas confondre une haute conjoncture, phénomène momentané causé par la tenue d’une manifestation sportive, et croissance, phénomène structurel. Plus les équipements nécessaires sont importants, plus les travaux d’accompagnement (routes, aéroports, lignes de métro ou de tramway, etc.) sont nécessaires et plus l’impact à court terme peut se révéler positif. Encore faut-il, condition souvent omise, que le tissu économique de la région concernée ait les capacités de répondre aux besoins en investissements, en matériel, en qualifications, etc.